Repenser la promotion ne peut se faire qu’en repensant la gouvernance des entreprises plus généralement en lien avec trois étapes :
1. Éclosion des talents féminins
Comment prenons-nous les décisions au quotidien ? Comment nous assurons-nous que les talents des femmes puissent s’exercer aussi bien que ceux des hommes ? Que les femmes soient autant écoutées en réunion que leurs collègues masculins ? Qu’elles bénéficient des mêmes moyens ? Comment nous assurons-nous que nous n’œuvrons pas pour une meilleure maternité, mais pour une meilleure parentalité ?
2. Promotion des talents féminins
Quels sont les critères pour sélectionner une personne sur un nouveau poste ? Peut-on transformer les critères en compétences et explorer les possibles voies pour les acquérir en dehors de schémas standards, répliqués depuis des années ou des décennies ?
3. Rétention des talents féminins
Comment nous assurons-nous de créer un environnement inclusif permettant aux femmes managers de se sentir autant à l’aise que leurs collègues masculins ?
Il ne s’agit pas seulement de s’assurer d’une meilleure promotion des femmes, mais également que celles-ci se sentent incluses, motivées une fois nommées, et qu’elles puissent déployer tous leurs talents de la même manière que les hommes
Les barrières à la promotion des femmes
Les parties prenantes et influences :
- Les recruteurs et les responsables RH qui perçoivent les postes comme inaccessibles pour les candidates, en fonction de leurs parcours.
- Les femmes elles-mêmes via leurs questionnements personnels qui peuvent ralentir leur progression professionnelle.
- Les hommes dirigeants qui peuvent avoir des réticences à céder leur place et à considérer la promotion des femmes comme une création de valeur ou une responsabilité sociale.
Les contextes personnels et environnementaux :
- La grossesse, vue comme un obstacle à la promotion, avec des promesses non tenues au retour de congé maternité.
- L’organisation des postes à responsabilité souvent définie sans considérer la réalité des horaires des femmes, notamment celles avec enfants.
- La différence de timing : les femmes prennent des responsabilités plus tard que les hommes, ce qui ne correspond pas toujours aux politiques de gestion des talents et aux critères définis pour être reconnu Talents dans les organisations.
- Les prises de décision promotionnelles souvent réalisées sans considérer les souhaits ou les contraintes des femmes.
- Les responsabilités de la parentalité : les femmes doivent souvent gérer seules l’organisation de leur parentalité, ce qui influe sur leur carrière.
- Les sacrifices de carrière : les femmes sont moins disposées que les hommes à tout sacrifier pour leur carrière, notamment à cause des responsabilités familiales.
- Les préjugés : même pendant le congé parental, il y a une crainte de perdre le contact avec l’entreprise.
3 actions phares qui ont fait leur preuve
Il ressort clairement des diverses études, témoignages, discours de rôles modèles et entretiens réalisés que trois actions principales ont été identifiées comme essentielles et efficaces. Ces stratégies clés, uniformément reconnues, sont prêtes à être adoptées largement à travers les différents échelons du monde de l’entreprise, allant des firmes listées au CAC 40 et SBF 120 aux entreprises de taille intermédiaire et aux petites et moyennes entreprises. Il n’y a aucune justification valable pour retarder leur mise en œuvre à grande échelle, car leur potentiel transformateur est indéniable
Le choix de rôles modèles :
Des hommes et des femmes avec des compétences professionnelles et des valeurs humaines qui peuvent inspirer.
Ne pas choisir entre carrière et parentalité :
Dans ce contexte où les managers jouent un rôle crucial, il est indispensable d’encourager les femmes à exprimer leurs ambitions et de les accompagner à équilibrer vie professionnelle et vie privée, repenser leur plan de carrière à long terme et accompagner les hommes à s’affranchir des idées reçues concernant leurs homologues féminines.
S’investir dans des réseaux professionnels :
Maîtriser les codes internes et construire un réseau solide sont des étapes clés pour l’avancement professionnel. La visibilité et l’engagement actif dans l’entreprise accélèrent la reconnaissance des talents. En parallèle, cultiver un réseau de soutien, en particulier parmi les réseaux féminins, favorise l’entraide et l’ouverture d’opportunités.
Un Cadre Réglementaire En Faveur De L’égalité Femmes-Homme
Les objectifs de l’ONU
En 2015, les Nations Unies ont défini 17 objectifs de développement durable à atteindre à horizon 2030. L’objectif de développement durable des Nations unies N°5 est : assurer l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles.
L’égalité entre les hommes et les femmes est un droit de l’Homme qui n’a que trop tardé, et il est tout à fait naturel que les entreprises disposent des postes nécessaires pour contribuer à la réalisation de cet objectif dans les meilleurs délais. Les Nations Unies indiquent que les avancées concernant la représentation des femmes dans les postes de direction, aussi bien dans le domaine politique qu’économique, sont lentes. Entre 2015 et 2019, la proportion de femmes dans des rôles de direction à l’échelle mondiale a connu une augmentation modeste, passant de 27,2 % à 28,3 %. À ce rythme, il faudrait encore quatre décennies pour atteindre une parité hommes-femmes dans les parlements nationaux.
La loi Coppé-Zimmermann
La loi Coppé-Zimmermann du 27 janvier 2011 imposait aux grandes entreprises dotées d’un conseil d’administration de recruter des femmes administratrices au sein de leur conseil d’administration pour atteindre 40% des postes d’administrateurs ; il aura fallu 10 ans pour y parvenir.
L’Index d’égalité professionnelle
L’Index d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un outil créé en 2018, qui permet aux entreprises de mesurer les écarts de rémunération entre les sexes et de mettre en lumière les disparités existantes. La finalité de cet outil est de mettre fin aux inégalités professionnelles. Depuis 2019, toutes les entreprises de plus de 250 salariés et, depuis 2020, toutes celles de plus de 50 salariés doivent calculer et publier leur Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (note globale sur 100), chaque année au 1er mars. En 2022, 92% des entreprises de plus de 1000 salariés ont un index supérieur à 75/100. Deux critères restent néanmoins en progression : les retours de congés maternité et la parité dans les 10 meilleures rémunérations.
La loi Rixan
L’article 14 de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 crée une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les dirigeants et les membres des organes dirigeants des grandes entreprises, assortie d’une obligation de transparence en la matière.
Elle fixe de nouvelles obligations pour les entreprises qui emploient au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif. Celles-ci doivent désormais calculer et publier leurs éventuels écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres supérieurs et les membres de leurs organes de direction, chaque année au plus tard le 1er mars. Elles devront ensuite communiquer leurs résultats ainsi que leurs modalités de publication au comité social et économique et transmettre ces informations à l’administration sur le portail de déclaration « représentation équilibrée ».
EN PRATIQUE : les entreprises devront atteindre un objectif de 30% de femmes dans l’encadrement supérieur, 30% de femmes membres des instances dirigeantes d’ici le 1er mars 2026. Cet objectif sera de 40% à partir du 1er mars 2029 : les entreprises disposeront alors d’un délai de deux ans pour se conformer à ces objectifs, sous peine de sanctions financières (Senat, 2021).
La directive CRSD
- Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. Elle concerne les grandes entreprises et les PME cotées en bourse. Le reporting extra-financier porte sur les données ESG (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) de l’entreprise.
Il s’agit :
- des facteurs environnementaux : atténuation et adaptation au changement climatique, biodiversité, utilisation des ressources…,
- des facteurs sociaux : égalité des chances, conditions de travail et respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales…,
- des facteurs de gouvernance : rôle des organes d’administration, activités de lobbying, gestion des relations avec les partenaires commerciaux… Récemment promulguée, cette loi vient court-circuiter les autres reportings pilotant les réglementations énoncées ci-dessus.
Des prérequis incontournables
La puissance du mentorat
Le mentorat est un levier essentiel pour le développement professionnel, en particulier pour les femmes, car il permet non seulement d’acquérir des compétences clés, mais aussi de bénéficier d’un soutien moral et stratégique pour surmonter les défis liés à la progression de carrière.
Les réseaux professionnels
Les réseaux professionnels offrent aux femmes l’opportunité de créer des liens, d’échanger des expériences et de découvrir de nouvelles opportunités. Ils jouent un rôle crucial dans l’accélération de la carrière en rendant les talents plus visibles et en facilitant l’accès à des postes de responsabilité.
La parentalité pour tous
Promouvoir une parentalité équitable pour tous implique de normaliser le congé parental pour les hommes, tout en encourageant les entreprises à adopter des politiques de flexibilité qui bénéficient à tous les parents, indépendamment de leur genre.
La nécessité d’une éducation et d’une sensibilisation pour tous
L’éducation et la sensibilisation sont indispensables pour déconstruire les stéréotypes de genre et promouvoir une culture d’inclusion. Des programmes de formation réguliers, couplés à des initiatives de sensibilisation, peuvent aider à ancrer durablement les pratiques d’égalité dans les entreprises
Garde d’enfants et rétention des salariés
Proposer des solutions de garde d’enfants adaptées et accessibles est crucial pour la rétention des talents, en particulier pour les femmes, qui sont souvent les premières à devoir faire face aux défis liés à la conciliation travail-famille.
Accélérer le développement des talents féminins
Il est nécessaire d’instaurer des programmes de développement ciblés qui offrent aux femmes des opportunités d’apprentissage et de progression rapides, tout en éliminant les obstacles systémiques qui ralentissent leur avancement professionnel.
Développement de programmes dédiés au changement de statut
Des programmes dédiés au changement de statut professionnel, tels que des formations de reconversion ou des accompagnements personnalisés, permettent aux femmes de se repositionner sur le marché du travail et d’accéder à de nouvelles opportunités
Améliorer l’intégration dans les petites entreprises
Les petites entreprises doivent également se doter de pratiques inclusives pour faciliter l’intégration des femmes, notamment en offrant des environnements de travail flexibles et en encourageant la diversité dans les équipes de direction.
Lignes directrices pour les indépendants
Pour les travailleurs indépendants, il est crucial de développer des lignes directrices qui intègrent des principes d’égalité, comme l’accès à des réseaux de soutien et des ressources pour équilibrer travail et vie personnelle.
Passer des problèmes aux solutions et valoriser l’ESG
Passer des problèmes aux solutions nécessite une approche proactive, où chaque entreprise adopte des stratégies claires pour l’intégration des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans leur gouvernance, en mettant l’accent sur l’égalité des genres. »
Les Nouveaux Enjeux De La Culture Managériale
Une gouvernance plus ambitieuse
Une gouvernance plus ambitieuse va au-delà des quotas, intégrant la diversité à tous les niveaux décisionnels avec des objectifs clairs et mesurables. Cela implique une représentation équilibrée des genres et des origines dans les comités exécutifs et conseils d’administration, enrichissant les décisions grâce à une variété de perspectives. La transparence dans les processus de recrutement, de promotion et de rémunération est cruciale pour garantir l’égalité des opportunités. Une telle gouvernance est proactive, anticipant les défis de l’inclusion et adoptant des pratiques avant-gardistes comme le travail flexible.
Une nouvelle image du leadership
Le leadership moderne doit se libérer des modèles traditionnels pour adopter une vision plus inclusive. Cela implique de valoriser l’empathie, la collaboration, et la diversité comme des moteurs d’innovation et de croissance. Les leaders d’aujourd’hui doivent encourager un environnement où chaque voix est entendue et où les différences sont considérées comme des atouts. Ce nouveau leadership favorise une culture d’entreprise plus agile et résiliente, capable de s’adapter aux évolutions sociétales tout en stimulant la créativité et l’engagement des équipes.
Conclusion
Promouvoir l’équité et la mixité dans les entreprises est un impératif non seulement éthique, mais aussi stratégique. Une gouvernance inclusive, une reconnaissance proactive des talents féminins, et la mise en place d’un environnement de travail véritablement équitable ne sont plus des options, mais des nécessités pour répondre aux enjeux contemporains. Les actions à mener sont claires : repenser la culture managériale, adopter des pratiques de gouvernance ambitieuses, et valoriser une nouvelle image du leadership, où diversité et inclusion sont les piliers de la réussite.
Loin d’être de simples réponses aux exigences légales, ces initiatives doivent être perçues comme des moteurs de performance durable. Les entreprises qui sauront intégrer ces principes de manière authentique et systématique s’assureront non seulement de retenir et de promouvoir les meilleurs talents, mais aussi de se positionner en tant que leaders dans un monde en pleine évolution. En fin de compte, la véritable réussite réside dans la capacité à créer un cadre où chaque individu, indépendamment de son genre, puisse s’épanouir pleinement et contribuer à l’essor collectif.